L’Abbaye de Daoulas invite le musée d’ethnographie de Genève en présentant Afrique. Les religions de l’extase. Cette exposition propose un voyage en Afrique, à la découverte des cultures religieuses de ce continent ; une véritable plongée dans une atmosphère de mysticisme et de découverte de la ferveur des croyants.
La très grande diversité des religions en Afrique est méconnue aujourd’hui du grand public. C’est de ce constat qu’est né l’idée de l’exposition « Afrique, les religions de l’extase » qui a ouvert ses portes le 3 juin 2022 à l’abbaye de Daoulas (Finistère). Car nombre de pratiques cultuelles africaines, pratiquées également dans les Amériques et en Europe par les diasporas, vise à atteindre l’extase : soit une expérience des croyants qui consiste à accueillir en eux le divin, à sortir de soi et du monde, en passant bien souvent par des expériences de transe et d’altération de la conscience. “Le point commun des pratiques présentées, c’est la forme extatique, qu’elle soit obtenue par les prières, le jeûne ou l’alcool, explique l’anthropologue belge Boris Wastiau, commissaire de l’exposition inspirée de son travail de thèse mené dans les années 1990 et au début des années 2000. Elle est très majoritairement présente dans les religions africaines, y compris chrétiennes. Cela demeure contemporain et est désormais pratiqué un peu partout dans le monde”.
Cette exposition originale est présentée par le musée d’ethnographie de Genève, qui a prêté plus de 300 pièces de ses collections, complétées par les travaux de terrains de photographes et vidéastes partis à la rencontre des pratiquants. Le parcours, qui se veut immersif, s’accompagne d’un décor sonore lancinant et des installations vidéo hypnotiques de l’artiste Theo Eshetu, aujourd’hui installé à Berlin. Deux d’entre elles peuvent d’ailleurs heurter les plus sensibles, car elles donnent à voir – de manière syncopée ou sous forme caléidoscopique ce qui édulcore leur portée – le sacrifice animal, l’une des composantes de nombreuses pratiques rituelles servant à honorer les ancêtres.
Avant l’arrivée des monothéismes, le continent Noir comptait plusieurs milliers de sociétés traditionnelles, chacune ayant un système religieux propre. Mais dès le début du premier millénaire, il est investi par des promoteurs du christianisme, de l’islam et du judaïsme. Dès lors – comme cela a été d’ailleurs le cas en Bretagne –, il va s’opérer une forme de syncrétisme ou de coexistence des pratiques traditionnelles avec ces nouvelles religions. Au début du parcours muséal, on assiste ainsi à un pèlerinage des chrétiens orthodoxes éthiopiens aux églises rupestres de Lalibela, plus grand site chrétien d’Afrique, pèlerinage qui donne d’emblée à voir la transe d’un enfant. Plus loin, on découvre le Kimbanguisme, une église indépendante prophétique née au Congo il y a 100 ans et qui revendique aujourd’hui 30 millions de pratiquants dans le monde. Pour eux, Adam et Eve étaient noirs, et le prochain Jésus sur Terre sera noir. Les messes donnent lieu là encore à des scènes de liesse et de transe. Les confréries musulmanes sénégalaise s’inspirent quant à elles du soufisme, et sont de ce fait menacées aujourd’hui par les mouvements salafistes (Boko Haram, Aqmi, etc.).
En dépit des succès obtenus par les religions monothéistes, nombre de pratiques plus anciennes ont persisté et notamment le culte des ancêtres, cité plus haut. Leurs âmes peuvent ainsi être convoquées par des devins pour comprendre ce qu’elles réclament de leurs descendants. Ou être sollicitées par des prières et des offrandes pour obtenir santé et fécondité. Des ancêtres mécontents peuvent aussi prendre possession du corps de leurs descendants lors d’expériences de transe pour faire entendre leur voix. Cette transe de possession se rencontre notamment dans le culte vaudou, pratiqué en Haïti ou au Brésil.
Les univers magico-religieux africains sont complexes et ramifiés, accompagnant le croyant jusque dans son quotidien : amulettes protectrices, masques d’invocation des esprits, rituels initiatiques de passage à l’âge adulte, gestion de la gémellité – mauvais sort ou bénédiction selon les endroits – composent un univers auquel l’individu peut difficilement se soustraire. La religion permet aussi de gérer les conflits au quotidien. Citons notamment l’exemple congolais des grigris contrés par les minkisi. Les premiers peuvent être assemblés pour vous porter malheur. Vous pouvez alors faire appel à un minkisi, une sculpture invoquant un esprit que l’on larde de clous en fer. On énerve ainsi l’esprit, pour qu’il s’en prenne à la personne qui a jeté le mauvais sort !
C’est donc une exposition d’une grande richesse, qu’il faut poursuivre par la visite du magnifique jardin de plantes médicinales de l’abbaye qui donne à voir la diversité des pharmacopées traditionnelles du monde entier. Il a d’ailleurs été distingué en 2021 en obtenant une Victoire d’or aux Victoires du paysage. Le parc compte également un très bel oratoire et une fontaine sculptée, cette dernière étant citée dans un acte de 1456 !
Une exposition du MEG – Musée d’ethnographie de Genève, adaptée par Chemins du patrimoine en Finistère – Abbaye de Daoulas (Du 3 juin 2022 au 4 décembre 2022)